N°70 : Le chêne et le Roseau

(Adaptation libre de la fable de La Fontaine – toutes les répliques en 𝘪𝘵𝘢𝘭𝘪𝘲𝘶𝘦 sont issues de la version originale)

Le chêne un jour dit au roseau : “Vous avez bien sujet d’accuser la Nature; un roitelet pour vous est un pesant fardeau. Le moindre vent, qui d’aventure fait rider la face de l’eau, vous oblige à baisser la tête. – Le vent ne m’intimide guère, lui répondit l’arbuste ; – 𝗝’𝗮𝗽𝗽𝗿𝗲́𝗰𝗶𝗲 𝗰𝗲𝘀 𝗽𝗲𝗻𝘁𝗲𝘀 𝗱𝗼𝘂𝗰𝗲𝘀 𝗲𝘁 𝗵𝘂𝗺𝗶𝗱𝗲𝘀 𝗱𝗮𝗻𝘀 𝗹𝗲𝘀𝗾𝘂𝗲𝗹𝗹𝗲𝘀 𝘀𝗼𝘂𝗳𝗳𝗹𝗲 𝗹𝗲 𝘃𝗲𝗻𝘁 𝗾𝘂𝗶 𝘃𝗼𝘂𝘀 𝗰𝗵𝗮𝘁𝗼𝘂𝗶𝗹𝗹𝗲 𝘁𝗮𝗻𝘁. Et cette nature que vous tenez à accuser s’épanouit dans mon voisinage.

Comme il disait ces mots, le chant doux et régulier du Conocéphale des roseaux (𝘇𝗿𝘇𝗿𝘇𝗿𝘇𝗿𝘇𝗿𝘇…) donnait le rythme à un étrange orchestre où des oreilles aguerries reconnaitront les notes (𝘁𝗷𝘂 𝘁𝘀𝗶𝘁𝘀𝗶 𝘁𝘀𝗶𝘁𝗷𝘂) du Bruant des roseaux et la succession rapide de cris secs de la Gallinule Poule d’eau. On raconte que le chêne entendit même la Couleuvre à collier et la Tanche applaudir (𝗰𝗹𝗮𝗽 𝗰𝗹𝗮𝗽 𝗰𝗹𝗮𝗽).

Cherchant la petite bête, le chêne insiste. – Cependant que vos tiges creuses et serrées s’érigent en muraille de 3 mètres de haut, 𝘮𝘰𝘯 𝘧𝘳𝘰𝘯𝘵 𝘯𝘰𝘯 𝘤𝘰𝘯𝘵𝘦𝘯𝘵 𝘥’𝘢𝘳𝘳𝘦̂𝘵𝘦𝘳 𝘭𝘦𝘴 𝘳𝘢𝘺𝘰𝘯𝘴 𝘥𝘶 𝘴𝘰𝘭𝘦𝘪𝘭, 𝘣𝘳𝘢𝘷𝘦 𝘭’𝘦𝘧𝘧𝘰𝘳𝘵 𝘥𝘦 𝘭𝘢 𝘵𝘦𝘮𝘱𝘦̂𝘵𝘦. L’humain attiré par les sons mélodieux de l’orchestre entendit pour seules notes la réplique critique du chêne. 𝗦𝗮𝗻𝘀 𝗮𝘁𝘁𝗲𝗻𝗱𝗿𝗲 𝗽𝗹𝘂𝘀 𝘁𝗮𝗿𝗱, 𝗽𝗿𝗶𝘁 𝘀𝗼𝗻 𝗲𝗻𝗴𝗶𝗻 𝗲𝘁 𝗯𝗮̂𝘁𝗶𝘁 𝘂𝗻𝗲 𝗷𝗼𝗹𝗶𝗲 𝗿𝗶𝘃𝗲 𝗮𝗺𝗲́𝗻𝗮𝗴𝗲́𝗲.

𝘔𝘢𝘪𝘴 𝘢𝘵𝘵𝘦𝘯𝘥𝘰𝘯𝘴 𝘭𝘢 𝘧𝘪𝘯. Le vent tant redouté, celui-là même qui avait dispersé la mélodie attirant l’humain avait également pris soin de la semence du roseau. 𝗟𝗮 𝗹𝗲́𝗴𝗲̀𝗿𝗲 𝗴𝗿𝗮𝗶𝗻𝗲 𝗱𝗲́𝗽𝗼𝘀𝗲́𝗲 𝗮̀ 𝗾𝘂𝗲𝗹𝗾𝘂𝗲𝘀 𝗹𝗶𝗲𝘂𝗲𝘀 𝗱𝗲 𝗹𝗮̀, 𝗲𝘂 𝗯𝗶𝗲𝗻𝘁𝗼̂𝘁 𝘀𝘂𝗳𝗳𝗶𝘀𝗮𝗺𝗺𝗲𝗻𝘁 𝗱’𝗮𝘂𝗱𝗮𝗰𝗲 𝗽𝗼𝘂𝗿 𝗿𝗲́𝗽𝗹𝗶𝗾𝘂𝗲𝗿.

Non content de fournir nourriture, refuge et site de reproduction à la faune, 𝗷’𝗼𝗳𝗳𝗿𝗲 𝗲́𝗴𝗮𝗹𝗲𝗺𝗲𝗻𝘁 𝗱𝗲𝘀 𝘀𝗲𝗿𝘃𝗶𝗰𝗲𝘀 𝗲́𝗰𝗼𝘀𝘆𝘀𝘁𝗲́𝗺𝗶𝗾𝘂𝗲𝘀 𝗮̀ 𝗹’𝗵𝘂𝗺𝗮𝗶𝗻. Qu’ils m’envoient ses eaux usées et polluées : mes racines hébergent des micro-organismes friands de matières organiques alors que je suis capable également de retenir le phosphore et l’azote pour relâcher une eau oxygénée !

L’humain tendait l’oreille. Et sous les yeux ébahis du chêne 𝗰𝗼𝗺𝗺𝗲𝗻𝗰𝗲 𝗮̀ 𝗽𝗿𝗲𝗻𝗱𝗿𝗲 𝗱𝗲𝘀 𝗺𝗲𝘀𝘂𝗿𝗲𝘀 𝗽𝗼𝘂𝗿 𝗽𝗿𝗲́𝘀𝗲𝗿𝘃𝗲𝗿 𝗹𝗲𝘀 𝗿𝗼𝘀𝗲𝗹𝗶𝗲̀𝗿𝗲𝘀 𝗮𝘂𝘁𝗼𝘂𝗿 𝗱𝘂 𝗟𝗲́𝗺𝗮𝗻 : Pointe à la bise, Plage des Eaux-Vives, Chens-sur-Léman, Delta de la Dranse (FR), les Crénées, îles aux oiseaux de Préverenges, Grangettes (VD) – pour n’en citer que certaines.

𝙄𝙘𝙞, 𝙨𝙪𝙧 𝙡𝙚𝙨 𝙝𝙪𝙢𝙞𝙙𝙚𝙨 𝙗𝙤𝙧𝙙𝙨 𝙙𝙚𝙨 𝙍𝙤𝙮𝙖𝙪𝙢𝙚𝙨 𝙙𝙪 𝙫𝙚𝙣𝙩, (…) 𝙡𝙚 𝙧𝙤𝙨𝙚𝙖𝙪 𝙥𝙡𝙞𝙚 𝙢𝙖𝙞𝙨 𝙣𝙚 𝙧𝙤𝙢𝙥𝙨 𝙥𝙖𝙨. La pression s’est relâchée, et le roseau peut aujourd’hui gentiment relever la tête. 𝘓𝘦 𝘱𝘭𝘶𝘴 𝘵𝘦𝘳𝘳𝘪𝘣𝘭𝘦 𝘥𝘦𝘴 𝘦𝘯𝘧𝘢𝘯𝘵𝘴 est maintenant loin, laissant derrière lui des roselières (et le chêne) encore bien enracinés. Il est certainement temps de poursuivre dans cette voie.

Crédit Photo : Roselière, Morges, Kai Taimsalu, Bruant des roseaux, Alexis Pochelon

Informations tirées du site de l’état de Genève sur les roselières, du Lémaniques n°104, Ainsi toujours pousse vers de nouveaux rivages et du site de la Commission internationale pour la protection des eaux du Léman – CIPEL

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